Anniversaire de l’effondrement de la flèche
Voilà 450 ans, ce 30 avril 2023, que l’immense tour-lanterne de 153 mètres de la cathédrale de Beauvais s’est effondrée. Au terme des travaux de construction du transept, une décision est prise de ne pas prolonger immédiatement l’édifice par une nef, ce qui aurait offert une stabilité indispensable à la structure. À la place, une tour lanterne est construite à la croisée du transept.
Structure de l’ancienne tour lanterne de la cathédrale
Terminée en 1569, cette tour, surmontée d’une flèche, s’élève à une hauteur de 153 mètres, faisant d’elle la plus haute construction humaine de l’époque. Sa conception est remarquable, avec une première tour carrée flanquée par quatre tourelles à claires-voies s’élançant du comble. Une seconde tour, dotée de huit pans découpés en dentelles de pierre, est en retrait sur la première et porte une troisième tour plus évidée encore. Une aiguille de bois couverte de plomb, surmontée d’une croix, couronne les trois tours de pierre.
L’intérieur de la tour lanterne est tout aussi impressionnant : les tours superposées laissent apparaître trois étages de fenêtres ornées de verrières éclatantes, toutes largement percées à la clef et offrant une vue sur le pavé de l’église. Au plus haut, une coupole à nervures saillantes enrichie d’or et de peinture ajoute une touche de majesté.
Malheureusement, seulement quatre ans plus tard, en 1573, la tour s’effondre alors que la construction hâtive de la nef avait commencé pour stabiliser l’ensemble. Suite à cet incident, la construction de la cathédrale prit fin. D’une part, les travaux de réparation exigèrent des dépenses imprévues, et d’autre part, l’époque ne favorisait plus la construction de bâtiments gothiques. Ainsi, on se résigna à installer un simple clocheton en remplacement de la flèche effondrée. Des années plus tard, la première et unique travée de nef fut définitivement fermée.
Pourquoi la flèche est-elle tombée ?
Un projet pourtant maîtrisé
Bien que l’on attribue souvent la taille disproportionnée de la tour lanterne de la cathédrale à un excès d’orgueil, il est important de souligner que sa construction a été soigneusement planifiée et n’a pas été réalisée impulsivement. En effet, dès l’élaboration du projet, deux camps se sont opposés : les maçons préféraient une structure en pierre tandis que les charpentiers prônaient une construction entièrement en bois. En 1543, le Chapitre a lancé un concours pour la réalisation du projet et celui-ci a été examiné le 21 mars 1546. Il semblerait que les Chanoines aient choisi de combiner plusieurs propositions, en décidant finalement d’ériger une tour en pierre surmontée d’une flèche en bois.
De nombreuses expertises
Afin de vérifier la faisabilité du projet, le Chapitre a demandé à des maçons de St-Etienne et de St-Sauveur de faire une expertise le 23 mars 1546 des quatre piliers de la croisée. Le rapport remis le 6 avril s’est avéré favorable. Étant donné les dimensions exceptionnelles du projet, les Chanoines prudents ont demandé une seconde expertise le 10 avril 1547. Le 8 mars 1564, alors que la partie en pierre était presque achevée, le Chapitre a demandé à l’abbé de Saint-Symphorien d’envoyer un maçon qualifié et renommé pour vérifier la solidité de l’ouvrage. Le 19 février 1566, la structure en bois est couverte de plomb, en novembre 1566 une croix de fer est posée au sommet. Les vitraux furent posés en juin 1567 et la peinture intérieure est finalisée le 23 septembre 1569.
Des signes avant-coureurs et une prise de décision trop tardive.
Après cinq ans passés dans l’inaction, le 11 juin 1567, le Chapitre a demandé une visite de contrôle par « précaution » en raison des oscillations de l’œuvre. Le 18 juillet 1568, le donjon de la pyramide s’est rompu et a dû être réparé. Le 18 janvier 1571, la croix de fer a été retirée, car elle faisait plier la charpente les jours de grand vent. Pour expertiser le monument, deux maçons au service du Roi à Paris, Gilles de Harlay et Nicolas Tiersault, ont été appelés. Leur rapport a révélé le tassement et le fléchissement des quatre piliers, très inquiétants pour les piliers du côté de l’évêché (non contrebutés par la nef). Les experts ont donc proposé de construire au plus vite deux travées de la nef et d’élever un mur de soutien jusqu’aux arcs doubleaux en attendant. Cependant, les chanoines ont préféré demander une autre expertise le 9 juin auprès de l’architecte de Laon et le 16 juin auprès d’un maçon de Mello. Le 17 avril 1573, le Chapitre, enfin conscient de l’urgence, a loué des ouvriers dans le but d’étayer l’ouvrage, mais malheureusement, il était déjà trop tard.